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Notre meilleure arme : le citoyen

OPINION. Emmanuel Macron a-t-il besoin de la guerre pour avoir la paix ? Accusé de toute part de gouverner contre le peuple, le président de la République a enfin trouvé un ennemi à la hauteur de ses ambitions : la covid-19. Pas de risque d’éborgnement ; cette fois-ci, l’adversaire est invisible. Un chef de guerre est né. Mais attention, danger !

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Article publié dans Front Populaire

 

« Nous sommes en guerre ! » Une expression dont nous avons soupé depuis cette fameuse allocution télévisée du 16 mars 2020, dans laquelle le président de la République intimait l’ordre aux Français de se confiner. Mais au pays de Macron, lorsqu’on est en guerre, on se cache, on se couche. Et on perfuse. La France entière est aujourd’hui alimentée au « goutte à goutte ». Et les Français attendent. Ils attendent que les spécialistes trouvent l’arme qui détruira le virus, ou plutôt qui nous en protègera, un temps. Un temps limité, comme la potion magique des irréductibles Gaulois dont les effets sont éphémères. Les Français attendent, et tombent. Ils tombent sur la place du Capitole, à Toulouse… et partout ailleurs. Les uns après les autres, les professionnels s’effondrent. Comme si un virus ne suffisait pas, un autre est venu les dévorer : celui de l’amateurisme au pouvoir. Car avant de s’improviser chef de guerre, on fait ses classes. Et Emmanuel le jeune ne les a jamais faites. Pourtant, cela ne l’empêche pas de convoquer à répétition son conseil de défense pour lutter contre la Covid-19. Emmanuel, le va-t-en-guerre. Tel les Césars, il espère, en gagnant le cœur de ses troupes, briller par ses faits d’armes et s’imposer comme le chef naturel. Sans guerre, pas de victoire. Alors le Président Macron multiplie les ennemis : Marine Le Pen, les Gilets jaunes, l’Islamisme, la Covid-19 … Il finira bien par triompher de l’un ou de l’autre. Pourtant, il y a un ennemi qu’il a omis de défier : la pauvreté ! Il en a, à l’inverse, fait son alliée. Et cette trahison, le peuple risque de ne pas l’oublier.

Emmanuel Macron est né en 1977. Moi, je suis né en 1985. Je n’ai pas non plus fait mes classes à l’armée. Je suis, contrairement à Emmanuel Macron, de cette génération qui en fût toute entière exemptée, comme l’a souhaité Jacques Chirac en 1997. Aurais-je pu faire mon service militaire malgré tout ? Certainement. Je n’ai aucune leçon à donner. Mais j’ai fait un autre choix. Celui d’apprendre à manier d’autres armes. Et c’est parce que la force physique, le conflit, doivent être l’ultime recours tant il est tragique, que jamais je ne m’amuserai à jouer au général sans bonne raison. Non. J’ai tout misé sur le citoyen. Celui qui pense, celui qui fait. Voici mes armes : la rhétorique et le journalisme. Je suis à la fois formateur en éloquence et réalisateur de documentaires. Je forme et j’informe. Ce sont mes outils. Ceux du citoyen que j’ai choisi d’être. Alors, me direz-vous, peut-on combattre des ennemis avec des mots ? La question est non seulement légitime, mais elle fût la mienne lorsque je voyais les crayons se lever pour répondre aux balles des terroristes de Janvier 2015. Je trouvais à ce moment-là l’âme de la France très belle. « Vous n’aurez pas ma haine », reprenait-on tous en cœur. Et nous avions raison de le crier haut et fort. Pour autant, nous ne pouvions nous en tenir à cela. Car par temps de crise, il faut être prêt à faire face. Et pour cela, les citoyens doivent être mobilisés ; ils doivent se saisir du pouvoir qui leur est conféré par leur statut de citoyen, libre. Car par temps de crise, chacun a, où qu’il se trouve, un rôle à jouer. Et c’est unis autour d’une communauté de destin que la résistance collective s’organise, à condition que nous soyons d’accord sur l’essentiel, c’est-à-dire sur ce que faire société signifie. Il faut que le contrat soit clair pour savoir ce que l’on défend. Et c’est là où les mots sont essentiels. Le citoyen, à travers le temps, a montré sa grande capacité à se mobiliser, à faire face, à faire front. Pourvu qu’il connût son adversaire et qu’il sût la cause à défendre. Et c’est au regard de ce roman national, celui de la seconde guerre mondiale et de ses résistants, celui de la Commune et de ses communards, celui de la Révolution française et de ses révolutionnaires, qu’Emmanuel Macron s’est objectivement inscrit du mauvais côté de l’histoire. Son erreur est double, car il n’a, d’une part, pas pris le parti du peuple, et a d’autre part démultiplié les ennemis à combattre, rendant la lutte commune illisible, impossible. Napoléon lui aurait certainement dit : « Ne commets pas cette erreur, ne démultiplie pas les fronts ! Cela m’a coûté mon Empire. »

LA MOBILISATION CITOYENNE PLUTÔT QUE LE CONSEIL DE DEFENSE

En vérité, nous n’avons aujourd’hui qu’un seul ennemi de premier plan : la pauvreté. Elle est économique, sociale et intellectuelle. Cette pauvreté protéiforme est responsable à la fois de la délinquance, du trou de la sécurité sociale, de la radicalisation politique et religieuse, de la transformation du citoyen en « hyperconsommateur »… C’est cela que l’on appelle le coût de la misère. En se concentrant sur ce seul ennemi qu’est la pauvreté, Emmanuel Macron pourrait éliminer mécaniquement au moins les quatre autres que je citais tout à l’heure en début de texte, à titre non exhaustif. Marine Le Pen ? Elle ne prospère que sur le désespoir, la peur et le sentiment du citoyen de n’être qu’un pion insignifiant sur l’échiquier de la démocratie. Eliminez le désespoir, le sentiment d’injustice sociale, la peur du lendemain et donnez à cette démocratie un nouveau souffle, vous n’aurez plus, Monsieur Macron, de Marine Le Pen forte. L’Islamisme ? Cassez les ghettos, renforcez les écoles, répartissez les richesses en montrant que le temps des seigneurs est bel et bien révolu, vous obtiendrez une majorité de citoyens qui aura foi en la République au lieu d’avoir des apprentis religieux en quête d’identité et d’épopée macabre, âmes fragilisées sur lesquelles misent les intégristes pour recruter dans leurs rangs. Les Gilets jaunes vous effraient et vous ont obligé à envisager votre fuite de l’Elysée par hélicoptère le 8 décembre 2018 ? Laissez tomber les matraques au lieu de récompenser le zèle des policiers par une prime, décentralisez le pouvoir, changez de vocabulaire, remettez l’ISF, intensifiez la lutte contre l’évasion fiscale, rétablissez la solidarité intergénérationnelle au lieu de monter les anciens contre les jeunes ; redonnez-vous les moyens, en tant que président de la République française, de garantir aux Français la souveraineté de leur pays pour toutes les décisions économiques qui les concernent, sans être obligé de demander la permission à Bruxelles, et vous aurez la paix sociale. J’ajoute, proposez une Europe des nations indépendantes tant que l’harmonisation fiscale européenne n’existe pas, et vous aurez un peuple confiant en son destin, qui aura le sentiment d’être souverain tout en se tournant vers l’universel.

Il nous reste alors le quatrième ennemi. La Covid-19. Mais est-ce seulement un ennemi ? La Covid-19 n’a ni mauvaise intention, ni stratégie. Elle est, tout simplement. Lui envoyer l’armée ne servirait à rien. Par contre, augmenter le budget de la recherche et les salaires de nos enseignants-chercheurs, qui, pour beaucoup, sont obligés de s’expatrier, voilà votre arme, et elle est absolue ! Et dans la foulée de votre nouvelle politique en marche, faites en sorte que les laboratoires ne soient pas soumis à la concurrence folle, à la course aux financements conditionnée par le nombre de publications scientifiques et assurez un contrôle plus grand de l’Etat sur le monde de l’entreprise pharmaceutique ; formez des médecins plutôt que de faire payer aux Français l’accès aux urgences et désengorgez ainsi un hôpital qui étouffe. Tant que vous y êtes, gardez le rythme et redonnez du pouvoir aux régions, mais aussi aux communes qui ont joué dans l’histoire et continuent de jouer un rôle capital pour notre pays ; réinstaurez des services publics dans les villages pour éviter la sur-métropolisation et les conséquences néfastes que l’on sait sur le plan écologique, social et sanitaire, et faites ainsi revenir mécaniquement les médecins dans ces déserts ruraux qui reprendront vie, dès-lors que les services de proximité seront de retour. Mais pour l’heure, plus que tout, faites confiance aux citoyens ! Faire confiance ne signifie pas laisser-faire sans règle commune. Mais, à moins de penser qu’il n’y a de discipline qu’au sommet de l’Etat, ce dont nous sommes soit dit en passant en droit de douter, appuyez-vous sur tous ces corps existants qui font la structure de notre pays. Si vous êtes en guerre – terme que je conteste – contre ce virus, alors il faut une participation de tous à l’effort de guerre, et certainement pas une anesthésie générale. Lorsqu’on est en guerre, on ne dilapide pas le trésor de guerre ; on le protège et on essaie de le faire grandir. Ainsi, plutôt que de dépenser des milliards pour garder les Français, privés temporairement d’emplois, en état de coma artificiel et en espérant qu’ils tiennent le coup, autorisez à l’inverse les commerces de proximité à faire tourner l’économie et utilisez ces milliards pour embaucher des citoyens au chômage en leur confiant une mission, celle d’être les gardiens du bon déroulement des consignes sanitaires. La ville de Tours, à titre d’exemple, le fait déjà dans un autre cadre, avec ses « brigades vertes » contre les incivilités. Vous permettriez ainsi de sauver notre économie et de créer de l’emploi, plutôt que de dilapider les réserves et de créer un désastre économique et social.

Monsieur le Président, au repli il nous faut préférer l’effort collectif, à l’anesthésie il nous faut préférer l’action. Et au militaire il nous faut préférer le citoyen accompli, celui qui a accès au travail, mais aussi à la culture et aux loisirs. Les professionnels de l’évènementiel, de la restauration, de la culture, ne sont pas plus irresponsables ni moins organisés que les bureaux de tabac, que les grandes surfaces, que les centres de formation professionnelle, que les FNAC et McDonald… Et quitte à dépenser de l’argent, investissons-le dans la vigilance citoyenne.

Je conclurai enfin en disant que ce virus terrifie le monde, car personne n’est épargné. Nous avons vu bon nombre notamment de responsables politiques être infectés, certains mêmes, figures historiques, tomber sous la morsure de la COVID-19. Voilà pourquoi des mesures exceptionnelles sont prises. Car cette épidémie touche toutes les couches de la société, y compris la plus aisée. Imaginez un instant que le même état d’urgence eut été pris pour les seuls miséreux, contre la misère et la pauvreté… Mais de celles-ci, Monsieur le Président, vous êtes préservé.

Comprenez-bien, il ne s’agit pas de dire, Monsieur le président de la République, ce qu’il convient de faire, mais plutôt sur qui il vous faut vous appuyer et avec qui il vous faut compter. Lorsqu’on est élu par le peuple, c’est le peuple tout entier qu’on emmène symboliquement avec soi à l’Elysée. Gouverner face au peuple, ou pire, contre le peuple, c’est se priver d’une force de frappe et de créativité incroyable. Si les Français sont suffisamment matures pour payer des impôts, alors ils doivent bien l’être assez pour combattre un virus. Si vous pensez le contraire, si vous niez leur capacité de lutte commune dans la règle et la discipline collectives, alors, niez aussi leur capacité à payer des impôts. Mais cela, vous ne le ferez jamais. Alors, Monsieur le Président, faites confiance au peuple et à travers lui à la démocratie, relative, qui vous a porté au pouvoir. Faites confiance au débat démocratique, à commencer par celui du Parlement, et renoncez à « la réserve des votes ». Demandez aux ministres du Gouvernement qui vous défendent bec et ongles, Monsieur Véran en tête, de garder leur calme face à la représentation nationale, sinon, vous ne pourrez exiger des Français qui agonisent le leur en retour. Renoncez à votre attitude martiale et à votre conseil de défense qui ne rassurent que vous-même, et appuyez-vous sur l’armée de citoyens prête à faire face au virus tout en préservant notre économie.

Si Hugo ou Jaurès nous entendaient, eux qui ont tout fait pour éviter la guerre, ils vous auraient fortement encouragé en ces circonstances à œuvrer pour la paix sociale, l’égalité et la fraternité. Car si le coronavirus, on l’a dit, n’épargne personne, il est une classe, toujours la même, qui est encore une fois plus que toute autre touchée… et bientôt coulée.

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